Saison 2 Ep 22 : Une longue traversée retour pleine de surprises

Après notre semaine Corse, nous nous étions couchés dimanche soir à Porto Pollo sur la côte Ouest avec le pronostic de rester au mouillage ou pas loin le lundi et de ne partir que mardi en fonction de la météo.

Départ imprévu mais bien préparés

Lundi 26 août au matin, les prévisions météo ont encore évolué significativement, il semble que le vent d’Est soit parti pour s’imposer dans le nord de la Corse et que le mistral se soit affaissé plus vite que prévu. En témoigne d’ailleurs l’absence de vent sur la Corse mais aussi les faibles vagues dans le golfe de Valinco.

Néanmoins, Antoine continue de chercher un anémomètre portable qui permettrait d’avoir une meilleure précision dans notre évaluation du vent apparent et donc de la nécessité de réduire les voiles en roulant le gennaker ou le code zéro ou bien en prenant des ris dans la grand-voile. Avec le vent d’Est assez fort qui est prévu en première partie de traversée, ce serait bien pratique et rassurant.

Il finir par en trouver un disponible dans un magasin d’accastillage à Propriano, à 5MN de l’autre côté de la baie. Il est presque 11h, le magasin ferme à midi et nous voulons partir assez tôt pour éviter le plus fort du vent d’Est le lendemain. Avec le mistral possible, la traversée du golfe en annexe paraît un peu trop risquée mais si nous pouvions trouver un taxi, ça pourrait être jouable car il suffit de 25 minutes pour aller à Propriano depuis Porto Pollo. Paradoxalement, les taxis Corse sont beaucoup mieux organisés et plus serviables que les taxis poitevins et l’appariteuse trouve très vite un chauffeur capable de réaliser l’exploit.

Magali venait de préparer l’annexe pour débarquer jeter les poubelles et faire quelques courses avant la traversée, ce qui tombe très bien pour emmener Antoine à son taxi.

En amarrant l’annexe au quai nous tombons sur un couple de Normands qui amarre sa petite vedette à moteur pour la première fois à un ponton avec pendille. Nous les aidons autant que nous pouvons (et ca tombe bien car Magali les croisera ensuite à la caisse du supermarché et ils la ramèneront au port en voiture avec ses 3 gros sacs).

Le chauffeur d’Antoine est très rapide et bavard et réussit à arriver largement avant la fermeture du magasin d’accastillage où l’anémomètre attend. Le retour est presque aussi express car le chauffeur n’aime pas rouler lentement !

Nous prenons un bon déjeuner à base de poulet rôti et chips et une dose de médicament presque pour tout le monde, en prévision de la houle. Antoine organise un briefing pour l’équipage sur tableau blanc, il est beaucoup plus animé que devant la tablette habituelle. C’est la première fois que nous utilisons les feuilles électrostatiques qui se révèlent très pratiques !

Nous prévoyons de remonter vers le Nord de la Corse dans un vent assez faible mais peut être portant puis de viser un point vers le Nord-Ouest, probablement au moteur pendant quelques heures, pour toucher des vents d’Est ou Nord-est qui nous accompagneront jusqu’aux côtes du Var et peut-être plus, avec une grande incertitude pour la dernière partie de Toulon à La Grande Motte.

Début de traversée dans la houle et le petit temps

Nous quittons alors notre bouée direction la sortie du golfe de Valinco. Après avoir hissé la grand-voile nous restons sous Solent car nous voulons voir ce qui nous attend à la sortie du golfe. Déjà, la houle se lève à environ 1M de creux alors que le vent est assez faible. Nous devons nous aider du moteur pour avancer jusqu’à la sortie du golfe avec notre voilure un peu réduite. Quand nous pouvons abattre et mieux gonfler nos voiles, nous hissons le code zéro et tirons des bords en remontant tranquillement le long de la côte, croisant devant la cala di Conca et son rocher tortue, devant la cala Agulia, encore plus secrète et invisible du large. Nous passons le cap Muro et le vent refuse alors au point que nous ne pourrons passer les sanguinaires sur un seul bord à la sortie du Golfe d’Ajaccio. Après les avoir parées d’un virement supplémentaire, nous nous apprêtons encore à atterrir sur le rocher de « La Botte ». Le vent est maintenant encore plus faible et pile dans l’axe où nous voulons aller. Nous roulons donc le Solent et mettons le moteur comme prévu, face à la houle heureusement pas trop abrupte. Le soleil se couche et nous espérons avoir du vent d’Est au petit matin.

La nuit se passe à surveiller le vent et avancer au moteur de haut en bas sur la houle. Au petit matin, on se demande quand le vent va arriver. Comme il doit être fort un peu plus au nord, avec des vagues, nous restons une vingtaine de milles plus au sud, là où il devrait rester entre 10 et 15 noeuds… Les prévisions sont tellement décalées qu’Antoine essaye de deviner d’où le vent va revenir en observant les nuages, sans grand succès. Vers 8h30, un poisson mord à la ligne qu’Antoine a remis à l’eau au petit jour. Il essaye de le remonter (sans avoir ralenti le bateau…) mais bientôt ça tire encore plus fort et puis plus rien. À la fin de la remontée, Antoine constate que le poisson a emmené tout le bas de ligne, c’est la ligne qui a cassé. Comme il ne se rappelle plus comment faire le nœud pour attacher l’émerillon au bas de la ligne et qu’il n’y a plus de connexion à Internet pour le lui rappeler, la canne est rangée.

Des invités surprises envahissants et toujours pas de vent

Juste après cet épisode malheureux, nous constatons une invasion d’insectes, principalement des mites alimentaires mais aussi des libellules et d’autres insectes, heureusement qui ne piquent pas. Nous fermons les moustiquaires pour éviter de faire passer les insectes de l’intérieur vers l’extérieur. Puis Magali vide les placards à l’intérieur pour tenter de trouver la source de l’infestation dans nos provisions. Antoine cherche à l’extérieur, retrouve la pastèque énorme achetée à Lipari qui se révèle pourrie car nous l’avons oubliée après avoir finie la pastèque achetée par les amis à Naples. Nous aurions dû la manger depuis deux semaines !! Mais cela ne semble pas la source de l’infestation. À l’extérieur Antoine écrase systématiquement toutes les mites possibles mais il y en a beaucoup et le vent qui vient maintenant de l’arrière exactement à la même vitesse que le bateau annule tout espoir de les voir emportées par le vent.

D’ailleurs nous finissons pas nous résoudre à une explication extérieure, faute de cause intérieure. Nous avions croisé à ce moment là environ 20-30 minutes derrière un cargo, c’est probablement lui qui nous a largué ces insectes dont son sillage est sans doute infesté en permanence par vent faible. Nous avons une pensée attristée pour les conditions de travail à bord de ce bateau qui doivent être dantesques et dont nous aurons un petit échantillon pendant les heures à venir.

Après cet effort intense, nous terminons par le changement de voile d’avant du code zéro au gennaker pour se préparer au vent qui va arriver (bientôt ?).

Pendant ce temps, la houle d’Est est venue s’ajouter au reste de houle de Nord-Ouest qui nous accompagne depuis le départ en s’affaiblissant. Vu la hauteur de la houle, il doit y avoir (eu ?) du vent à l’Est de notre position mais nous n’en voyons pas la couleur, toujours suivi par notre léger vent de Sud-Est à la vitesse du bateau… le soir, la météo aura le toupet de nous annoncer que nous sommes censés avoir plus de 10nds de vent d’Est depuis ce midi…

Enfin de la voile pour finir

À 21h, en vue des îles d’Hyères, enfin, le vent arrive et nous déroulons le gennaker après plus de 24h de moteur ! Les consignes de la nuit visent donc à surveiller le réglage gennaker au cas où le vent change.

Le vent tient jusqu’au cap Sicié que nous doublons très au large et après une petite accélération, il tombe à nouveau vers 3h du matin. Magali remet le moteur (encore !), d’autant que le vent vient de face.

Vers 5h30, le vent revient à nouveau et Antoine peut à nouveau dérouler le Gennaker mais seulement pour 2h car le vent refuse (tourné vers l’avant) et Antoine change la voile d’avant pour le code zéro, notre voile de petit temps habituelle en Méditerranée. Nous tirons des bords ainsi toute la journée. À l’intérieur, les jeux de société s’enchaînent. À l’extérieur, alors que nous passons au large du parc éolien de Marseille, nous croisons de nombreux bateaux de pêche de loisir et nous comprenons bientôt pourquoi, la surface de l’eau qui est à peine ridée par les vaguelettes du vent se couvre d’écume et nous voyons des animaux aquatiques sauter hors de l’eau, accompagnés de goélands au-dessus de la zone. Nous identifions à l’aide des jumelles des bancs de thon qui chassent !

Grâce à notre première ligne qui contient le nœud recherché, Antoine retrouve la manière de faire le noeud pour la canne à pêche et nous remettons vite la ligne à l’eau. Nous resterons cependant bredouille car les bancs de thon resterons à l’écart et nous n’irons pas les chercher au moteur comme les bateaux que nous croisons.

Alors que nous approchons de l’entrée de la baie de La Grande Motte, longeant la plage de l’Espiguette, nous apercevons à l’AIS un autre Outremer que nous connaissons déjà, El Nido. Nous l’appelons à la VHF et découvrons qu’il s’agit d’un stage d’entraînement avec un skipper Outremer. Ils nous doublent avec leur Gennaker, Antoine essaye de résister à l’envie de remettre à nouveau le gennaker pour rivaliser mais il finit par craquer, et nous remettons à nouveau le gennaker, quelques minutes avant que la nuit ne tombe.

Petite précision technique : en général, pour changer de voile d’avant (Gennaker ou Code Zéro) il nous faut nous priver de la voile pendant toute la manœuvre ou bien dérouler le solent pour garder de la propulsion. Durant cette traversée, nous avons testé le quasi-peeling. Le peeling étant la mise en place d’une voile avant même d’affaler (descendre) celle qu’elle remplace, sans perte de propulsion.

Nous commençons par hisser la nouvelle voile roulée sur sa drisse, en utilisant la contre écoute de l’autre comme écoute pour la nouvelle. Puis nous enroulions l’ancienne voile, larguons l’amure (le bas de la voile) pour fixer la galette d’enroulement sur la nouvelle voile et l’envoyer sur le bout-dehors. Nous pouvons alors dérouler la nouvelle avant même d’affaler l’ancienne déjà roulée.

Quand il y a peu de vent, cela nous évite de nous arrêter, mais nous ne le conseillons pas quand il y a de la mer car les voiles hissées sans être attachées en bas balayent le trampoline et qu’il est difficile de remettre ou défaire la contre écoute du gennaker.

C’est alors que nous nous rendons compte que nous ne pouvons pas « juste » rester à la voile très lentement jusqu’à l’arrivée. D’abord nous ne sommes qu’à quelques centaines de mètres du rivage mais surtout nous avons remarqué avant que le soleil ne se couche qu’il y a de très nombreux casiers avec leurs bouées tout autour de la pointe de l’Espiguette et jusque dans la baie de La Grande Motte. Nous décidons donc d’abréger le stress de heurter ces bouées non-lumineuses et remettons les moteurs pour les deux dernières heures. Il nous faut quand même veiller avec un équipier équipé d’une torche puissante à l’avant pour détecter et éviter les casiers !

Nous mouillons finalement derrière le banc de l’Espiguette, là où nous avions mouillé le premier soir en quittant LGM. Nous achevons notre traversée d’environ 250MN en 2,5j et nous sommes à pied d’œuvre pour nous rendre le lendemain soir au port de La Grande Motte pour le rendez-vous de diagnostic de notre panne de girouette-anémomètre prévu vendredi matin, puis la préparation de nos deux semaines de neuvage qui termineront cette saison 2.