Après la cavalcade du quatrième jour, le cinquième démarre par un temps un peu moins extrême. Nous commençons à prendre nos marques et en fin de journée, seule Alice a encore un peu le mal de mer, et encore, seulement debout pendant longtemps. Nous refaisons notre plein d’électricité et d’eau et dînons, toujours sur le même bord depuis le déjeuner.
La météo dit : tout droit ! Jusqu’à ce qu’on tourne…
La météo à court terme est relativement simple, tout droit vers l’archipel du Cap Vert, de préférence là où le passage est le plus large, entre Sal et San Nicolau. Pour l’instant on va tirer le bord bâbord et on verra dans la journée si et quand on se recale. C’est la météo à moyen (5J) et long terme (transat complète) qui occupe Antoine, comment négocier le virage au Cap Vert, sortir « haut » (en latitude vers le Nord) avec l’objectif de passer au Nord des Sargasses ou plutôt décalé vers le Sud pour passer en dessous du paquet du haut. Le Nord de ce paquet risquant de devenir une zone de calme au moment de notre passage à cause d’une énième dépression Atlantique venant se glisser très Sud. Antoine fait des hypothèses mais comme la météo est peut fiable à plus de 4j, ça reste des hypothèses à vérifier plus tard. Demain, ce sera le virage du Cap Vert et combien de vent on aura qui va être l’objet de notre attention.
Pour la nuit c’est simple, on reste sur le même bord et le même réglage que la nuit précédente mais cette fois aucun vent de plus de 22nds annoncé dans les prévisions. Magali peut dormir tranquille. La seule inconnue, avec la dépression qui se forme au NW et notre arrivée au sud du 20eme parallèle et donc du Tropique (ça y est nous sommes sous les tropiques !), c’est l’intensité des « grains », c’est à dire les nuages plus ou moins chargés de pluie qui se comporte soit en aspirateur, augmentent le vent dans leur sillage ; soit en ventilateur, augmentant le vent encore plus devant eux et sur les côtés puisque les uns et les autres se déplacent dans le sens du vent.
Depuis le début de la traversée, leurs effets sont plutôt légers mais bien perceptibles, format aspirateur. Qu’en sera-t-il cette nuit ? Et y aura-t-il de la pluie ? En début de nuit, on voit de nombreuses bases noires sous la Lune mais rien au radar qui ne détecte que les plus puissants (avec de la pluie). Nous espérons que les effets seront limités.
La réalité dit : Prenez votre temps, vous allez fatiguer
Finalement Arthur a eu du mal à se réveiller avant son quart donc Antoine a dormi un peu moins et Magali se réveille à 0h30 pendant qu’Antoine est en train de discuter avec Arthur sur le bon moment pour rouler le gennaker car le vent forcit plus que prévu sous la couverture nuageuse qui s’est accentuée depuis le début de la nuit. Nous n’avons pas les 25nds de la veille mais ça n’en n’est pas loin. En plus le vent a refusé, ce qui est très bien pour aller plus facilement vers le Cap Vert mais nous met dans un angle bizarre par rapport à la houle. Le réglage du pilote n’est pas non plus le même, de « plus abattu pour être plus tranquille » ça s’est révélé être « trop abattu » donc le gennaker dévente en fin de surf et claque quand il se regonfle ensuite, pas bon pour la voile. Nous revenons au réglage de la veille mais il y a décidément trop de vent et de mer pour dormir sereinement. Nous décidons de l’enrouler à 3 depuis le cockpit et ça se passe bien même s’il est un peu moins « serré » qu’hier. Au moins personne n’est épuisé après la manœuvre même si ça n’a rien de reposant, le cardio est monté moins haut à deux pour tirer sur le bout d’emmagasineur et avec un meilleur réglage du pilote.
Le vent semblant avoir un peu baissé, nous gardons la grand-voile pleine pour ne pas trop ralentir car les vagues nous rattraperaient alors trop vite et c’est inconfortable aussi. Pas facile de doser ! Quelques minutes plus tard nous avons à nouveau 25nds et nous posons à nouveau la question de réduire (nouveau réveil pour Antoine) mais cette fois nous arrivons au bord des nuages, le vent baisse alors on laisse comme ça…
Magali assure son quart un peu plus longtemps car Antoine a du mal à se réveiller. Il va falloir reposer l’équipage dans la journée ! La gestion du niveau d’énergie de chacun nous paraît de plus en plus cruciale pour maintenir le moral de chacun et la bonne ambiance générale ! Et les choix de voiles et de trajectoires sont et seront fait en fonction, bien plus que d’une route ou d’une allure « la plus rapide ». Notre objectif est d’être bien ensemble là où l’on est !
Matinée calme au soleil
Comme d’habitude, Mathilde puis Martin sont les premiers levés et petit-déjeunent sur la table à carte car il fait encore frais le matin dehors et Magali dort sur la banquette à l’intérieur. C’est un petit moment calme en petit comité avec papa. Câlin post-cauchemar et tartines de Nutella et de confiture.
Ensuite, après le petit déjeuner de Magali vers 10h, Antoine repart se coucher et Magali regarde le film Harry Potter à l’école des Sorciers dont Mathilde vient de lire le premier tome. Arthur puis Alice se réveillent et regarde la fin du film. Magali cuisine le déjeuner qui est pris tous ensemble en terrasse au réveil d’Antoine.
Pendant tout ce temps, aucune manœuvre même si le vent est tombé entre 13 et 16nds et que ce serait un temps à remettre le gennaker. On va moins vite mais l’équipage se repose. C’est aussi le moment de découvrir le vol des poissons volants qui partent par moment en grappes autour du bateau, volant sur plusieurs dizaines de mètres (centaines ?). Alice en trouve un qui s’est échoué sur le pont.
Code Zéro, la voile magique aussi dans l’Alizé
Aujourd’hui, nous avons prévu de tester le code zéro comme voile d’avant. Il a l’avantage d’être d’une taille intermédiaire (77m2) entre Solent (41m2) et Gennaker (131m2). Cela permettrait de le garder plus longtemps quand le vent monte, voire de le garder avec un ris dans la grand-voile si le vent monte au-delà de 25nds. L’équilibre du bateau serait meilleur. La grand voile faisant 67m2 et 51m2 avec un ris, le code Zéro + 1 ris aurait un équilibre similaire au Gennaker + GV tout en étant bien plus réduit. En plus il est triangulaire comme le Solent, ce qui fait que la poussée est plus basse et fait moins balancer, et il se roule aussi plus facilement puisque la partie haute ne risque pas de rester ouverte comme le gennaker. C’était notre voile à tout faire en Méditerranée, elle n’était plus trop censée servir mais nous sommes dans l’expérimentation.
Nous attaquons tout de suite après le déjeuner et à 15h la voile est établie. Elle tire mieux que le Solent même si dans le vent faiblissant à 12-13nds ce n’est pas l’idéal. Néanmoins nous anticipons l’augmentation du vent à la nuit tombée et nous évitons une manœuvre. Ça nous laisse le temps de trouver les réglages. D’autant que cette nuit nous allons passer dans l’archipel du Cap Vert et le vent va sans doute être faible et peut-être pas si portant. Le Code Zéro permettra de gérer ça de manière plus fluide que le grand gennaker. Le capitaine croise les doigts pour ne pas se tromper cette fois. Au moins, s’il faut manœuvrer ce sera parce que c’est trop calme et dans ce cas c’est toujours plus facile à faire que quand c’est trop fort. C’est un vieux principe appris en Corsaire, il vaut mieux prévoir trop petit et renvoyer de la toile. Nous l’avions un peu oublié ces deux derniers jours, emportés par l’enthousiasme du bateau qui vole sur les vagues !
École, première ! Euh, non, CE2
Après tout cet effort de changement de voile Magali part se coucher pendant que les enfants lisent ou écoutent des podcasts et Antoine fait la vaisselle. Très vite, Mathilde a envie d’action et quand Antoine lui propose de recommencer l’école, elle se sent assez bien pour le faire. Nous reprenons donc avec des Maths et la découverte du fonctionnement du corps humain, les os, les muscles et les ligaments. Ça fait bien plaisir aux parents et Mathilde est visiblement satisfaite de recommencer aussi. L’acclimatation se termine, la vie à bord s’organise !

Et, alors que le soleil baisse sur l’horizon, c’est l’heure du bilan chiffré de la journée. Nous avons parcouru 169milles aujourd’hui à la vitesse de 7nds et nous sommes probablement un peu plus de 2300MN de l’arrivée avec 850MN parcourus. Cette nuit nous entrons dans l’archipel du Cap-Vert car nous sommes à moins de 50MN de Sal, l’île la plus à l’Est. Demain ça devrait être le virage à l’Ouest ! En plein jour de l’anniversaire de ma filleule Colomba, ça ne peut être que bon présage !


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