Lors de nos formations maintenance au large et météo avec Outremer, la même chose nous avait été expliquée : une grande partie des accidents arrivent dans les dernières heures d’une grande traversée… Cet adage a failli se vérifier lors du début de ce 19ème jour de traversée sur Loela.
On a presque perdu la bôme
Après le déjeuner, Arthur propose de prendre un quart pour qu’Antoine et Magali puisse se reposer en même temps. Magali dort dans la cabine d’Alice pendant qu’Antoine installe avec Mathilde sa guirlande décorative reçue à Noël. Ils démontent une partie du plafond de la cabine ainsi que de la séparation, le tout sans réveiller Magali !
Vers 17h, Antoine allume les moteurs et démarre le plein d’eau puis fait à nouveau un tour technique sur le bateau pour vérifier les éléments du gréement. La réparation du bout-dehors n’a pas bougé depuis 10 jours. Lorsque le tour se termine par la pièce qui fixe la bôme au mât, articulée, horizontalement et verticalement, Antoine constate que l’écrou qui maintient l’axe horizontal à travers la bôme est tombé sur le pont. Et l’axe est en train de sortir de l’autre côté. C’est exactement ce qui est arrivé à notre bateau-copain Keep Kool lors de la traversée entre Tanger et les Canaries. A l’époque, Keep Kool avait cassé sa pièce en tentant de le remettre.
Après quelques tentatives pour faire rentrer l’axe récalcitrant à coup de maillet ou de clé à cliquet bien placés, Arthur est sollicité pour aider, sans plus de succès au départ. Même en serrant l’écrou sur l’axe, celui-ci ne revient pas en place. C’est alors qu’Antoine redémonte l’écrou et enlève la rondelle qui était restée en place. Bien sûr ! L’axe passe à l’intérieur d’une entretoise qui sert de pivot pour les différents éléments enfilés dessus (les joues de la bôme à l’extérieur, les joues du vis-de-mulet, séparées de la bôme par des rondelles plastiques, et les réas qui servent à faire sortir les bosses de ris de la bôme). Pour pouvoir serrer l’axe solidement sans bloquer tous ces éléments pivotants, il faut une entretoise. Et celle-ci est sortie de la joue de la bôme du côté de l’écrou. Il faut donc réussir à réaligner l’entretoise sur la joue pour la repasser.
Nous décidons donc de mettre en panne et d’affaler la grand-voile. Heureusement les moteurs sont déjà allumés. Nous roulons le gennaker et poussons les moteurs pour nous mettre face au vent. La manœuvre n’est pas des plus aisées dans la houle mais heureusement depuis plusieurs jours le vent a progressivement faiblit, apaisant nettement la mer. Magali est sollicitée pour nous aider aussi. Une fois la grand-voile affalée, la bôme est suffisamment libre pour être remise en face de l’entretoise et l’écrou nilstop peut être solidement resserré sur l’axe.
Où est passé le vent ?
Nous hissons donc à nouveau la grand-voile et avons la surprise de constater que… le vent a disparu dans la manoeuvre. Nous avons parcouru quelques centaines de mètres « à l’envers » sur notre route et cela a suffit à faire disparaître le vent. Il ne reste que 4-5nds venant bizarrement du SE… directement de l’endroit où sont accumulés des gros nuages gris, cumulus très gros mais aussi sortes de stratus… Nous ne voyons pourtant aucun grain au radar donc rien qui ne puisse justifier que le vent a tourné à ce point.
S’en suit une séquence de 2 heures où Antoine recherche toute l’information météo la plus récente possible. Il suspecte la formation d’une onde tropicale (qui peut dégénérer en orage ou en dépression tropicale, vu la température de la mer – 29°C, est-ce que la saison des ouragans pourrait se prolonger ?). Merci Fred d’avoir joué le routeur à terre à ce moment-là. A priori, rien d’aussi massif ne se profile. Nous sommes à la jonction entre une zone de grains au Sud et l’extrémité du front d’une dépression naissante au Nord…
Heureusement, vers 20h, juste quand nos batteries sont chargées, le vent revient de l’ENE comme avant, avec 12 nds comme avant. Nous reprenons notre route vers l’Ouest (le Sud-Ouest n’étant pas une option attrayante pour la nuit vu les grains).
Pendant ce temps, Magali a préparé deux pizzas maison que nous dégustons avant de démarrer les quarts. Tout le monde va se coucher rapidement, un peu fatigués par l’attente de la situation météo…
La nuit se passe très calmement même si Antoine a encore du mal à trouver le sommeil puis dormir en continu malgré sa fatigue. Il essaye un peu toutes les positions sur les banquettes du carré et du cockpit. Au moins il n’a plus peur des réactions du bateau, mais les balancements transversaux liés aux vagues et au peu de vent sont désagréables. Magali aussi est fatiguée et s’endort directement à la prise de quart d’Antoine.
Pour une fois le lever du soleil est coloré entre les petits cumulus. Nous empannons peu après quand le vent tourne de l’ENE à l’Est, nous permettant de prendre un cap vers La Barbade, située à l’Est de notre destination.
Après un petit déjeuner roboratif, Mathilde fait un tout petit peu d’école pendant que Martin joue à reconstituer des embuscades avec ses Lego®. Antoine fait la sieste dans la cabine de Mathilde pendant qu’Arthur et Alice dorment encore. Jusqu’à ce que le vent tombe encore plus, nous obligeant à lofer jusqu’à 130° du vent réel, plus vraiment vers la destination mais pas le choix pour avancer dans la petite houle et le vent encore plus petit (6 à 8 nds à ce moment-là). Heureusement, il remonte assez vite à 10nds.
Après le déjeuner, c’est l’heure du point de 1700UTC. Nous avons fait une toute petite journée à 157MN mais nous venons de dépasser les 8000MN parcourus sur Loela depuis sa mise à l’eau ! Il nous reste un peu moins que ce que nous avons parcouru dans la journée mais en ligne directe alors que notre destination est pile dans l’axe du vent. Nous espérons arriver à Bequia demain avant la nuit…


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