Après deux semaines avec les copains, nous leur avons encore dit au revoir. Les examens et la météo nous appellent à partir dès ce 13 mai matin de St Augustine. Nous avons décidé d’être prudents et de ne pas risquer une « fermeture » du Cape Hatteras par des vents de secteur Nord qui lèveraient une mer démontée en s’opposant au Gulf Stream. Les prévisions actuellement nous indiquent un peu de vent de secteur Sud ou Ouest jusqu’à la baie de Chesapeake pendant les 3 prochains jours. Parfait pour surfer le Gulf Stream tranquillement avec une mer pas trop agitée et, normalement, des fronts orageux qui devraient nous précéder.
Départ tranquille vers le tapis roulant
Nous ne sommes donc pas très pressés ce samedi 13 mai matin pour lever l’ancre car si nous partons trop tôt nous risquons de rencontrer les fronts qui pourraient passer sur notre trajectoire. Nous prenons le temps de dire au revoir à tous les copains avant de passer par l’ouverture du pont de 11h30. Le courant est avec nous et les nuées d’oiseaux aussi dans la sortie de l’inlet ! Il doit y avoir un phénomène de marée qui rassemble les poissons car les oiseaux sont partout. Nous passons devant la plage qui cette fois est peuplée de 4X4 pour les pique-niques du week-end. Des vagues se forment dans le goulet de sortie, nous valsons un petit peu mais cette fois la vaisselle est calée.






A la sortie, nous avons un petit vent faible de WSW autour de 10nds qui nous pousse sous gennaker vers l’Est et le Gulf Stream 100MN plus loin. Nous pensons y rentrer en milieu de nuit et obliquer ensuite un peu vers le Nord pour y rester. La houle est un peu étrange, venant de l’Est, nous sommes donc au portant avec de la mer venant de devant… Magali et les enfants préparent des burgers pour le déjeuner. Miam !

Chevauchée sauvage en fin de journée
Dès la fin du déjeuner, le vent tombe puis tourne complètement et remonte du SE ! Nous roulons le gennaker et nous retrouvons au bon-plein sous solent et GV pleine avec 12 à 15nds de vent en 5 minutes. L’allure s’accélère et nous filons 8nds jusqu’au dîner où le vent faiblit et tourne encore à droite avant de remonter pour le quart des ados. Nous suivons un cap ENE au largue serré avec 17-18 nds ce qui est très rapide, nous sommes maintenant à 10nds tranquillement. Pendant le quart des ados, Antoine a quand même un peu de mal à dormir car l’allure n’est pas encore très stabilisée même si les mouvements du bateau sont très doux car la mer est plutôt peu formée.
Contrairement à d’habitude Antoine prend le second quart, celui du milieu de la nuit. Le vent a encore tourné et nous sommes maintenant plein vent arrière avec 20nds de vent. Nous sommes en train de rentrer dans le Gulf Stream et la vitesse du bateau est amplifiée sur le fond par le courant qui se renforce de plus en plus. Bientôt, le tapis roulant défile à plus de 3kts vers le NE. Les orages grondent fort à un peu moins de 20MN devant, le spectacle est plutôt impressionnant et le vent se renforce encore au-delà de 20nds. Nous prenons un ris de précautions mais continuons d’avancer à plus de 10nds de moyenne en essayant de faire un peu plus de Nord pour rester dans le courant.
Heureusement, le front va plus vite que nous et s’éloigne devant, au début du quart de Magali, il est déjà à plus de 30MN. Ce qui est remarquable c’est qu’on voit encore très bien les éclairs même à cette distance car les nuages sont extrêmement hauts. Le vent faiblit ensuite quand le jour se lève progressivement. La mer est un peu chaotique et Magali est bien fatiguée et fait des siestes de 10min pour essayer de tenir jusqu’à ce qu’Antoine puisse reprendre le quart à 8h.
Un long fleuve tranquille ?
Le courant qui accélère, jusqu’à 5nds, fait un peu baisser le vent ressenti et nous renvoyons le ris avant que Magali n’aille se coucher puis Antoine déroule le gennaker. Le vent s’oriente de plus en plus derrière nous, nous essayons un bon moment le gennaker amuré au vent et finalement, Magali propose d’affaler la GV après le déjeuner car elle bat étant donné que nous avons de la mer de travers et peu de vent de derrière. Nous nous mettons donc dans la configuration gennaker seul car c’est une bonne solution pour faire une route très abattue. C’est confortable et les enfants peuvent jouer sans ressentir de mal de mer (belle lunettes en ++ de Martin). Un beau coucher de soleil nous accompagne vers la nuit.



Nous faisons encore 6-7 nds avec moins de 10nds de vent (3-4nds sur l’eau + 3 nds de courant)… C’est très confortable et nous n’abîmons plus le matériel. Nous allons faire toute la deuxième nuit dans cette configuration. Nous essayons de suivre la veine de courant principale qui doit nous emmener à plus de 4nds et donc avec une vitesse sur le fond de plus de 8nds avec une dizaine de noeuds de vent. Un petit jeu de recalage qui nous occupe pendant nos quarts où il n’y a pas vraiment de manœuvres à faire dans cette configuration très tolérante. Beaucoup plus facile de tenir pendant les quarts cette nuit !
Le Gulf Stream nous fait encore faire plus de 200MN dans cette deuxième journée de navigation malgré le matin très lent, nous avons fait plus de 400MN depuis le départ ! Il va bientôt être temps de mettre le clignotant à gauche et de sortir du Gulf Stream car nous arrivons bientôt au Cape Hatteras !
Orages vers Chesapeake !
Nous commençons à lofer pour sortir du Gulf Stream et cela fait changer l’angle de la mer. Magali était justement en train de faire la vaisselle et une casserole décide de chuter du plan de travail… en plein sur son gros orteil dont l’ongle éclate sous le choc. La douleur est très intense car son ongle est fendu en deux horizontalement au milieu. Après désinfection et doliprane, elle s’allonge pour récupérer.
Nous hissons la GV avec les ados et redéroulons le gennaker. Le vent monte puisqu’il n’est plus diminué de la vitesse du Gulf Stream et comme nous lofons, nous allons encore plus vite. Nous surfons à 12-13nds à l’heure du goûter au moment de sortir du courant et d’approcher du phare du Cap Hatteras.
Encore deux heures de chevauchée fantastique et nous sommes brutalement refroidis par les nuages noirs qui se dressent devant nous et les images radar qui nous montrent des orages naissant sur la côte juste au Nord-Ouest de notre position. Le vent dont nous bénéficions à beau venir du Sud-Ouest, manifestement, le vent d’altitude est du Nord-Ouest et les orages dont nous voyons les éclairs devant viennent vers nous !
Nous décidons alors de réduire l’allure pour tenter de les laisser passer devant nous. Le gennaker est roulé, puis nous prenons un ris puis deux au cas où le vent forcirait dans les orages. La famille dîne de soupe pendant qu’Antoine surveille attentivement les orages sur le radar du bateau et les images radar météo que nous captons grâce à notre proximité avec la terre. Nous zigzaguons pour les éviter et réussissons à n’en prendre aucun directement sur nous. Le plus proche passe 2MN à l’est. Ce qui nous préoccupe le plus, ce ne sont pas les vents, nous savons que le bateau est fait pour encaisser sans aucun souci ; ce sont les éclairs qui ont une fâcheuse tendance à désactiver notre carte électronique de girouette-anémomètre.
Résultat, à 21h, nous n’avons plus beaucoup de vent mais il est revenu de derrière après les orages. Il remonte pendant le quart d’Arthur et Alice et nous filons 8nds vers l’entrée de Chesapeake jusqu’au quart de Magali où le vent retombe jusqu’à presque rien, obligeant Magali à démarrer les moteurs pour continuer d’avancer pendant 45minutes. Puis le vent tourne à nouveau pendant le quart d’Antoine obligeant à rouler le gennaker pour passer au près.
Changement complet d’ambiance pendant la nuit, nous passons de short/t-shirt eau bleue à 28°C à pulls et chaussettes eau verte à 18°C. Nous avons froid sans les couettes dans le lit. Nous avons en quelque sorte franchi en quelques heures la frontière entre le Sud/l’été et le Nord/le printemps. C’est rafraîchissant !
Fin de parcours au ralenti
Après les siestes du matin, Martin, Mathilde et Antoine sortent le code zéro car nous pressentons des vents faibles et erratiques comme en Méditerranée mais à midi le vent tombe tout à fait et nous repassons au moteur ! Magali profite du calme pour avancer sur le blog. Nous déjeunons en slalomant entre les cargos et leurs chenaux à l’entrée de la baie et passons enfin le pont-tunnel à 14h45. Nous pouvons alors refaire de la voile jusqu’à l’entrée de Back River où nous avons prévu de passer la nuit.










Pour le goûter nous dégustons le cheesecake que Magali a fait avec la recette de Cheryl rencontré aux BVI et avec les vrais ingrédients américains. Plein d’énergie nous affalons les voiles et rentrons au moteur dans la rivière, des dauphins nous saluent jusqu’à la base aérienne de Langley qui nous accueille avec l’atterrissage de deux F22 Raptor juste au-dessus de Loela.






Le vent est en train de remonter avec l’arrivée des orages du soir. Comme il est prévu deux jours de vent fort de secteur Ouest, nous allons jusqu’au bout de la rivière juste derrière les bâtiments de la base aérienne. Ce n’est pas très pittoresque mais plutôt bien abrité. Nous jetons l’ancre dans à peine 2m d’eau marron à 20°C sur fond de boue qui remonte en volute sous le courant des hélices… ça change des Bahamas !
Ouf, nous avons bouclé cette grande traversée de 600MN en 3 jours et passé le dernier obstacle sérieux sur la route des examens des enfants (le Cape Hatteras). Nous sommes maintenant dans la baie de Chesapeake, une sorte d’immense Golfe du Morbihan de la taille de la Manche de Calais à Cherbourg. La mer n’y lève pas trop et nous pourrons trouver de multiples abris pour remonter tranquillement la semaine prochaine vers Annapolis en profitant de ce haut-lieu de la plaisance américaine.



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